Les Origines : Hadrien
Aethryth
Chapitre 1
Hadrien était vieux, il était un Ancien, le frère de lait de Romulus et Remus. Malgré son règne pacifique, si l'on prenait en compte le regard des humains, il avait bataillé de nombreuses fois. Contre ses congénères pour l'essentiel. Il avait exterminé les meutes refusant de se soumettre, seule l'une d'entre elle avait un tant soit peu gagné son respect, Baudouin et sa compagne Eryn. Enfin le caractère nomade de cette meute l'avait forcé à déléguer la tâche à un de ses vassal : Eracles, la Bête. Un Ancien proche de la folie mais qui avait toujours connu sa place par rapport à lui. Ce qui était amplement suffisant pour le satisfaire. Il avait ainsi longtemps étendu son territoire bien que certaines zones lui soient restées inaccessibles, des fois, il y avait des monstres qu'il ne valait mieux pas dérangé.
Une autre problématique se posait cependant, les humains avaient gagné en puissance, pire ! L'Ancien temps disparaissait, les faes de toute sorte se terraient dans l'Annwyn et le christianisme occultait les vieilles magies et les vieilles croyances. Le plus problématique restait la disparition progressive des Anciens, les premiers loups-garous. Bientôt un temps viendrait où les humains prendraient conscience de leur existence et là, rien n'irait.
Ainsi, il avait cherché une compagne. Une Ancienne qui soit digne de siéger à ses côtés, qui ne craindrait rien ni personne, quelqu'un qui saurait adapter les loups à cette nouvelle ère qui s'annonçait. La réponse lui était venue grâce à une de ses Bêta, Frédéric de Hohenstaufen . Un Ancien arrogant mais incroyablement puissant, la Splendeur des Mondes.
Il était d'après lui-même un parent lointain de Medb, après tout, il partageait son geis familial. Sauf que cela n'avait pas empêché la reine d'Irlande de trouver que la meute de son père n'était pas bien menée. Il lui avait dit qu'elle avait massacré tous les dirigeants de celle-ci sans la moindre once d'une hésitation. Et pourtant, il y avait eu parmi les morts des Anciens bien plus vieux et expérimentés qu'elle.
Bien évidemment Hadrien connaissait le nom, il savait également que l'existence même de la lignée de Medb était la raison pour laquelle l'Irlande, l'Ecosse et l'Angleterre ne lui avaient jamais appartenu.
Frédéric l'avait cependant averti : Medb était impitoyable, n'ayant pas hésité à tuer sa propre sœur lorsque celle-ci était devenue folle ou à entrer en conflit avec une autre lorsque celle-ci protégea injustement des hommes, à tuer son neveu et laisser se faire massacrer une autre de ses sœurs, une soumise de surcroît. Pour vaincre le plus puissant Exécuteur qu'ait connu l'Irlande elle n'avait eu aucune hésitation à s'allier à des sorcières, elle avait fait tuer son ex-mari et un de ses compagnons et avait survécu à l'assassinat de son âme-sœur. C'était une femme prête à tout pour parvenir à ses fins et qui n'avait plus grand chose à perdre.
Le portrait était cependant bien trop séduisant et il avait juré sur le sang coulant dans ses veines qu'il ne reviendrait pas du Nouveau Monde sans une compagne.
Et maintenant cela faisait deux jours qu'il traversait le Nouveau Mexique sur un cheval beaucoup trop nerveux pour supporter d'être monté par un loup-garou aussi dominant que lui. Selon la carte qu'il avait entre les mains, poussiéreuses et salie par le soleil et le désert, San Salvador lui apparaîtrait dans une heure ou deux.
Son voyage, malgré ses conditions désagréables (encore qu'il devait à ses gênes surnaturels de ne pas avoir attrapé la peste ou une autre de ces horribles épidémies), lui avait permis au moins une chose : Il comprenait pourquoi les créatures surnaturelles qui n'avaient pas encore disparues partaient vers l'Amérique. Le fer et la pollution humaine n'avaient pas encore posé leurs empreintes sales sur la terre sauvage et à première vue, ingrate envers les étrangers. Hadrien envisageait même d'y faire venir certaines petites meutes sous son égide, avoir un pied à terre ici ne serait pas si mal, songea-t-il.
Outre la présence de Medb, une Ancienne qui vu sa réputation n'aurait eu aucune difficulté à faire revenir à son âge d'or la meute d'Irlande ou même à s'opposer à lui pour récupérer certains territoire, il avait également eu vent, par les quelques loups espagnols qu'il avait envoyé sur ce territoire, de l'existence d'Amarok.
Amarok qui a première vue était un Ancien qui ne laissait pas vivre d'autres loups que lui-même dans toute l'Amérique du Nord. Un Ancien qui était également un solitaire et aimait à le rester visiblement. D'après la rumeur qu'il avait entendu auprès d'un loup solitaire, marin de son état, l'arrivée de Medb lui avait fortement déplût. Pourquoi donc ? Parce que l'Irlandaise semblait avoir dans sa meute l'Alpha d'Amérique du Sud. En fait, elle était précisément sa Bêta Première. Il y avait donc au moins deux louves ultra-dominantes qui étaient des Anciennes dans la petite ville de San Salvador. Étrangement, il se doutait que ce n'était pas la seule surprise qui l'attendrait.
De toute sa vie, Hadrien n'avait jamais eu à craindre qui que ce soit et donc malgré les multiples avertissement reçus depuis ces trois derniers mois concernant Amarok, Medb ou même toutes les foutues créatures amérindiennes, c'était confiant qu'il franchit la frontière invisible délimitant les terres de San Salvador.
A l'horizon, il voyait quelques bâtisses, sans doute la ville. Mais une large maison entourée de clôtures où paissaient une vingtaine de chevaux était bien plus proche. Il pouvait apercevoir une femme puiser de l'eau depuis un puits de pierre, le vent soufflait dans son dos mais il n'avait pas besoin de son odorat pour connaître la nature de cette femme vivant visiblement isolée. Une bourrasque sembla apporter son odeur à la femme aux longs cheveux blonds qui releva immédiatement la tête de sa tâche, l'apercevant alors qu'il n'était encore qu'à un demi-kilomètre.
Elle l'avait senti, soit c'était une sorcière qui avait semé un cercle pour être avertie de la présence d'intrus, soit il s'agissait d'une louve. Si c'était le cas hé bien... La meute de Medb comptait un nombre surprenant de femelles sur un si petit territoire.
Il put voir qu'elle ne sembla pas prise de peur, pourtant il était évident qu'elle savait qu'il était un Alpha, un loup ultra dangereux. Peut-être même avait-elle compris qu'il était un Ancien qui s'avançait sans la moindre peur sur un territoire ne lui appartenant pas. Une réaction normale aurait été qu'elle rentre à l'intérieur et ferme la porte à double tour pour changer et parte en courant à la recherche de son Alpha.
A la place il l'a vit essuyer ses mains sur sa robe poussiéreuse, passer ses mains sur ses cheveux avant de se tourner vers la maison et crier. Il perçut un nom «Jackson» et un homme sortit de la maison et le regarda directement. Lui aussi était un loup-garou, Hadrien en aurait mis sa main à couper. Sauf qu'à l'image de la femme, il resta d'un calme olympien, se contentant de sortir pour se mettre à côté d'elle.
Il ne restait qu'une centaine de mètres entre eux et Hadrien pouvait clairement les entendre discuter :
- Bethsy, tu le connais ?
- Pas le moins du monde. Tu penses qu'on devrait prévenir Medb ?
- Je pense qu'elle sait déjà que quelqu'un s'approche de San Salvador, surtout s'il s'agit d'un Ancien. Je suis pas sûr qu'elle va apprécier.
- Oh, je suis pas sûre non plus mais bon, c'est pas comme si on pouvait planter des panneaux : Morts aux intrus !
- Je pense qu'Alexander et Isadora y ont déjà pensé. Lâcha le loup sur un ton pince sans-rire.
En réponse, le rire clair de la louve résonna dans toute la plaine. Un peu perplexe, mais préférant ça à devoir éliminer bêtement deux loups trop territoriaux, Hadrien s'arrêta à une dizaine de mètres d'eux avant de mettre pied à terre, son cheval le regardant d'un œil méfiant tandis qu'il s'avançait vers les deux inconnus. Il vit le mâle se déplacer subtilement afin d'être légèrement devant la femelle qui avait les yeux fixés sur son menton. Le loup qui était le plus dominant des deux et sans le moindre doute un Ancien, soutint son regard le temps d'un battement de cil, semblant avant tout vouloir prendre la température plutôt qu'engager un combat de dominance. Sauf que ce geste avait laissé une étrange sensation à Hadrien, le loup en face de lui était un dominant et il venait de faire en sorte qu'il lui soit impossible d'évaluer sa puissance. Cet individu malgré son jeune âge semblait plus intelligent que bien des loups sous l'égide de l'ex-Empereur romain.
- On peut faire quelque chose pour vous ? Demanda la femme avec un sourire poli en dansant d'un pied sur l'autre.
Malgré sa tranquillité apparente, il pouvait sentir une sorte d'angoisse l'envahir et il ne fut pas le seul, car le dénommé Jackson se mit devant la louve comme s'il était prêt à faire rempart de son corps. Il était légèrement plus petit que lui, doté d'un corps nerveux et d'une peau dorée par le soleil. Sa réaction était celle d'un loup en protégeant un autre, mais sa réactivité surprenait Hadrien car il sentait qu'ils n'étaient pas compagnons.
Puis il comprit finalement. Il faisait face à une louve soumise. Une louve soumise qui avait souffert à cause de dominants de son acabit.
- Je cherche Medb, votre Alpha si je ne m'abuse.
- Elle doit déjà vous attendre, si vous voulez mon avis. Lâcha Jackson en haussant les épaules.
Il était difficile d'ignorer que le loup semblait amusé par la situation.
- Je vais vous mener à elle, proposa alors immédiatement la louve surnommé Bethsy avec un large sourire avenant malgré la manière nerveuse dont elle triturait les plis de sa robe.
Il allait refuser. Son loup était nerveux de se retrouver ainsi à proximité d'une louve soumise, cela ne lui était plus arrivé depuis la disparition d'Antinoüs. Sauf que Jackson se contenta de lâche à la louve, un peu soucieux :
- Rentre dans la maison te changer avant.
Elle ouvrit la bouche pour protester mais la ferma en comprenant que son collègue n'accepterait aucun refus de sa part. Maugréant de manière indistincte, elle se dirigea vers la maison en traînant des pieds.
Hadrien profita du départ de la femelle soumise qui affolait ses sens de dominant qui était perturbé de sentir une peur si injustifiée chez elle pour essayer d'évaluer un peu mieux cet Ancien. Le troisième donc dont il apprenait l'existence dans cette meute.
Jackson était détendu et l'examinait sans la moindre gêne :
- Vous êtes un Ancien aussi, je me trompe ?
- Tu as l'œil pour un jeune. Lâcha-t-il.
Il réussit à peine à cacher le mépris dans sa voix mais cela ne sembla pas perturber Jackson qui gratta la barbe naissante sur ses joues et replaça son chapeau de cow-boy.
- Je peux vous poser une question ? Demanda-t-il finalement.
- Dis-moi? Demanda Hadrien, curieux.
- Vous avez quel âge ?
- J'ai vécu en 76, si l'on considère ça d'un œil humain.
Jackson renifla avec ce qui ressembla à du mépris mais cela n'énerva pas Hadrien, il était bien trop curieux de voir ce genre de réaction chez un jeune loup dominant qui n'était pas assez intelligent pour avoir peur. Puis il se tourna soudain en direction de la maison et une louve en sortie. Pour un loup elle était très grande, pour une louve-garou, une ancienne qui plus est, elle était plutôt petite. Deux prunelles doré dans un pelage suie et cendre le regardèrent tandis qu'elle écoutait ce que disait Jackson :
- ça tu vois, dit-il en montrant la louve, c'est Bethsabée, notre doyenne. Il y a encore trois autres anciens dans notre meute qui sont plus vieux que vous.
La louve jappa, comme semblant appuyer ses dires tandis qu'elle laissait son camarade la gratter entre les oreilles, haletant à cause de la forte chaleur qui se faisait déjà sentir alors qu'ils n'étaient qu'au printemps. Son pelage obsidienne parsemé d'argent ne devait en effet ne pas être d'une grande aide.
- Elle va te mener jusqu'à Medb, elle adore se faire passer pour un chien errant qui vient visiter le bar. Méfies-toi, Bethsy a tendance à s'attirer toutes sortes d'ennuis et je doute que Medb apprécie si il arrive des misères à la seule louve soumise de notre meute.
Et sur ses mots, ressemblant plus à une menace qu'à un avertissement, sans attendre sa réponse et sans peur apparente, Jackson lui tourna le dos avant de rentrer dans la maison et de fermer la porte.
Hadrien jeta un coup d'œil méfiant à la louve qui haletait, semblant sourire comme une bien heureuse. Cependant le regard qu'elle gardait sur lui montrait clairement qu'elle était méfiante.
Ils reprirent la route, la louve trottinant à distance du cheval pour ne pas l'effrayer plus que nécessaire.
Chapitre 2
A venir
